Une définition partagée d'un (géo)commun?

Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement
Nicolas Boileau

Ce forum va nous servir à co-construire des communs géographiques, des “géocommuns”.

Il me semble important de bien être sûr de parler de la même chose et de donner le même sens aux mots que nous allons utiliser d’où ce premier écrit un peu long.


Commun

Par commun on entend une ressource produite et/ou entretenue collectivement par une communauté d’acteurs hétérogènes et gouvernée par des règles édictées par la communauté assurant le caractère collectif et partagé de la ressource

Je compléterai avec 3 points:

  • bien définir le périmètre du commun
  • définir les règles de contribution au commun
  • définir les règles d’utilisation du commun

Le périmètre du commun

Un commun n’est pas un produit auquel on ajouterai sans cesse des fonctionnalités dans une logique expansive.

Prenons wikipédia: ce sont des articles encyclopédiques, rien d’autre. Dès qu’on s’éloigne de ça (par exemple des photos, schémas, dessins ou des données sémantiques), d’autres communs associés sont venus en complément et ont leur vie propre (commons, wikidata).

Open Food Facts: il s’agit ici de données factuelles sur les aliments tirées de photos d’emballages, cela ne va pas au delà, par exemple les avis sur les produits qui sont hors périmètre et ont donné naissance à d’autres applis.

OpenStreetMap: une base de données géographiques, rien de plus (pas de photos aériennes, pas de fonds de carte).

Il ne faut pas confondre les ré-utilisations potentielles que permet le commun, avec le commun lui même. Les fonds de carte OpenStreetMap sont des réutilisations du commun, pour ça qu’il en existe une très grande variété.

Pour Open Food Facts, des réutilisations prennent la forme d’appli dédiées à certaines thématiques de santé comme les allergies.


Les règles de contribution

Ce sont les règles à l’entrée du commun, celles qui régissent ce qui a vocation à figurer dans le commun ou pas.

Sur wikipédia, c’est un contenu original de nature encyclopédique qui est exigé, avec des sources.
Sur Open Food Facts, des informations factuelles, vérifiables sur les emballages (et donc leurs photos).
Sur OpenStreetMap, des données géographiques, vérifiables sur le terrain (donc suffisament stables dans le temps) ou par des sources libres ou autorisées. On n’y trouvera pas les bouchons, ou des informations subjectives. Pour OSM ce sont “les termes du contributeur” que l’on accepte avant de s’ouvrir un compte (indispensable pour contribuer).

Parmi ces règles, il y a en général le respect des autres contributeurs et de leur contributions.


Les règles d’utilisation du commun

Le plus souvent il s’agit d’une licence, adapté à la nature du commun.

Wikipédia: CC-BY-SA
Open Food Facts: CC-BY-SA pour les photos et ODbL pour les données issues des photos.
OpenStreetMap: ODbL

Ces licences protègent le commun des prédations (qui mériterait un autre sujet de discussion).


Commun - communauté

Une communauté se forme autour du commun, elle se compose d’individus ou d’organismes qui s’engagent à respecter ces 3 points: le périmètre, les règles de contribution et celles de réutilisation.

Quiconque qui respecte les règles doit être le bienvenu.

Pour chaque géocommun il faudra bien définir ces 3 points qui me semblent essentiels.

3 « J'aime »

il me semble que le respect de ces points est primordial. J’y ajouterai que la communauté est aussi là pour les définir, les interroger et les faire bouger, ce n’est pas gravé dans le marbre.

bonjour,
merci pour cette définition, je partage l’importance de bien définir les 3 points périmètre / règles de contribution / d’utilisation.

Je relaierais aussi la question posée par @mrajerison sur teamopendata (Géo-communs ? Chiche ! (by OSM-FR) - #6 par cquest - #TeamOpenData) : y a-t-il une liste “officielle” des géocommuns ? y a-t-il besoin d’un processus pour définir cette liste des géocommuns?

Bonjour Patrick,

Il n’y a rien d’écrit et tout à construire. C’est pour ca qu’on en discute et qu’on met ces 1ers éléments sur la table pour amorcer le débat.

bonjour Donat, merci, oui, c’est dans cette esprit que j’ai ajouté cette question. A vrai dire je n’ai pas de réponse personnellement, mais ça me semble une question pertinente dans la partie “règles du jeu”.

Si on essaie de déterminer sur la base de ces critères quels sont les géo communs qui existent déjà actuellement, on peut sûrement dire que la base adresse nationale est un géo commun. Elle coche toutes les cases. Sur ce principe, pourrait on dire que la BD TOPO est un geo commun ? Il semblerait que ça soit le cas : elle a un périmètre bien déterminé, des règles de contributions et de réutilisations bien identifiées et tous ceux qui respectent ces règles sont les bienvenus. Néanmoins, elle est sur le même périmètre que OSM, représente (presque) les mêmes choses mais de façon différentes…. Un géo commun n’a pas vocation à être unique mais dans certain cas, comme la BAN, il a peut être besoin d’être unique pour faire autorité et éviter des déperditions d’énergies et permettre de concentrer des efforts… cette notion d’exclusivité, parfois, me semble nécessaire … sans qu’à ce stade j’arrive à bien définir dans quels domaines il soit nécessaire. Sur un sujet comme le bâti, le fait qu’il y est une seule base communément admise comme faisant « autorité »comme la BAN me semble important. Mais ce n’est pas le cas sur tous les sujets. Bref, à débattre.

Bonjour,
j’ai été surpris de voir un énième forum, une énième plateforme qui réclame la source de tout : les données !..
Je peux comprendre le principe, mais pour travailler dans le SIG, il faut toujours aller chercher dans une 15ne de sources différentes, qui ont chacune leur contraintes pour tenter d’avoir une information relativement complète. Je parle pour d’autres domaines dans lesquels je suis investis : données naturalistes ou sentiers de randonnées (je vous épargne les cas où la FFRP ou l’IGN n’entendent pas ouvrir leurs données, bien souvent capitalisées sur des fonds publics)…
Pour donner des pistes de projets qui pourraient servir:

  • dans la donnée naturaliste, l’application iNaturalist (je ne parle pas de Naturalist) est une application où chacun peut s’inscrire, peut enregistrer ses observations. Si elles ont suffisamment de preuves et validée par plusieurs personnes, elles sont reversées dans le GBIF sans passer forcément par le MNHN. Il est possible pour une structure de monter un projet local dans cette application et que les utilisateurs investis dans ce projet puissent ajouter quelques champs plus spécifiques à leurs projets. Cette structure n’a donc pas à redévelopper une application et les données collectées sont ouvertes à tout le monde.
  • ne serait-il pas intéressant d’avoir sur ce modèle, la brique d’une application équivalente à Mapillary ou KartaView qui dépose sur une plateforme commune similaire à commons.wikimedia.org par défaut, mais qui permette à des structures plus spécifiques soit de participer à l’ajout de fonctionnalités, soit de pouvoir ajouter des infos complémentaires qui lui sont propres.
    Bref, ce ne sont que des idées…
    PS: j’avais mis les liens web pour illustrer chaque ressource, les règles du forum font que j’ai dû les retirer!

Bonjour,
Merci pour cette question sur la définition d’un (géo)commun. Je n’ai qu’une perception encore très globale et ça me parait important qu’on ait une représentation commune.
Il y a des questions sur la communication et sur les décisions dont les particularités entrent sûrement dans la définition. Comment se font les échanges au sein de la communauté d’un (géo)commun ? Comment peut-on dégager des consensus ? Que se passe-t-il si des désaccords persistent ? Quelles sont les modalités de prise de décision ? Qui décide de quoi ? Financeurs ? Contributeurs ? Communauté entière ? Quelles modalités ? Est-ce qu’il y a des votes ? Est-ce qu’on a des modérateurs ? des élus ? Des arbitres ?

J’aime bien faire le parallèle avec le fonctionnement d’une association où il y a 2 niveaux de règles : les statuts et le règlement intérieur.

Les 3 éléments dont je parlais au début de cet échange (périmètres, règles de contribution, règle d’utilisation) me semblent tenir des “statuts” et se doivent d’être stables dans le temps.

La gouvernance au quotidien peut quant à elle évoluer en cours de chemin, comme on le ferait dans un règlement intérieur, sans avoir besoin de toucher aux statuts.

Si je reprends OpenStreetMap comme modèle, le périmètre n’a jamais changé, les règles de contribution très peu et les règles d’utilisation (la licence), une seule fois, il y a presque 10 ans. Une procédure est définie pour d’éventuels changements à ce niveau.

Ces bases me semblent quelque part trop fermées dans leur mode de constitution pour parler d’un commun.
Oui, il y a des partenariats et une forme de collaboration, mais les règles de contributions font que seuls certains acteurs peuvent contribuer directement.
Je ne peux pas par exemple aller y faire des corrections directement si je ne suis pas partenaire, avec une convention ou quelque chose de ce type de signé. Tout au plus, je peux faire des signalements.

Dans ma perception des communs, les règles sont valables pour tout le monde et si on y adhère, on peut contribuer sans avoir à être accepté ou à signer quelque chose avec une entité particulière.
On peut par contre se faire bannir du commun si on enfreint ces règles.

On peut prendre le problème par l’autre bout.

Qu’est ce qui ne serait pas un géocommun?

  • une BDD ou projet qui ne serait crée/maintenu que par un acteur (étatique ou non) ou petit groupe d’acteurs
  • impossibilité pour le citoyen lambda, un groupe (formel ou informel de personnes) de s’investir à tous les niveaux: utilisation, contribution, gestion.
  • création ou amélioration d’un produit. Je pense notamment à admin.data.gouv présenté par @nicolas.berthelot, qui est un projet intéressant, voire même qui pourrait rentrer dans le Service public de la donnée via les données de référence, mais qui selon moi n’est pas un géocommun
1 « J'aime »

Pour moi la BAN est un vrai Géocommun. Pour autant, en tant que citoyen Lambda, je ne peux pas y contribuer… Je dois passer par mon maire. C’est une règle de contribution à ce commun qui est claire… et je l’accepte :wink: → Le fait que le citoyen ne puisse pas s’y investir à tous les niveaux directement ne me choque pas forcément. (Du moment qu’il a un moyen bien identifié pour y contribuer.)

1 « J'aime »

Depuis le geoportail, n’importe qui peut signaler quelque chose. En parallèle, des organismes contribuent à la BD TOPO sans avoir signe quoi que ce soit. Signer une convention n’est pas un pré requis.

En revanche, c’est exact qu’à l’heure actuelle, on ne peut que signaler des choses, qui seront prises en compte ou pas. Mais si elles ne sont pas prises en compte, c’est à chaque fois justifié. Est-ce vraiment bloquant pour en faire un commun? Je ne suis pas sure. Comme tu disais, il y a des règles au commun et le signalement, s’il est refusé, c’est qu’en principe il n’est pas dans les règles du commun.

Disons que pour moi, quand on regarde les grands projets communautaires, il n’y a pas de “contrôle” ou d’intermédiaires: Wikipedia, Wikidata, OSM, Open Food Fact… Ca n’empêche pas les règles, bien au contraire, mais tout est “ouvert”, possible.
Un commun doit selon moi permettre à chacun de mettre à la main à la pâte selon ses envies, ses besoins,… Et puisque j’aime bien parler avec des images, ce serait comme un parent qui mettrait la cerise sur le gâteau à la place de son enfant parce c’est à l’adulte de le faire. Alors certes, le gâteau sera peut-être un peu moins joli, mais c’est toujours plus valorisant pour tout le monde de maîtriser l’entièreté de la chaîne de production.

à la lecture, j’ai l’impression qu’il y a un implicite qui consiste à dire qu’un geocommun est ouvert à tout le monde.

Est-ce le cas ? un géocommun doit-il être ouvert à tout le monde ? Il ne peut pas y avoir une communauté autre que “tout le monde” ?

1 « J'aime »

À la réflexion, je vois aussi un autre aspect, le volontariat.

On participe à un commun de façon volontaire, pas par une quelconque obligation.

Pour la BAN, il y a (enfin) une forme d’obligation pour les communes à y participer, même indirectement en établissant et publiant leur BAL. Pas de choix, pas de volontariat ici.

Un commun ne s’impose pas en tant que tel (le côté “autorité”), il s’impose parce qu’il devient une évidence en terme d’intérêt et de richesse de son contenu une fois qu’il a pu atteindre la masse critique nécessaire pour sa reconnaissance.

Là, on est bien d’accord, c’est un moyen bien plus efficace que les silos qui font en tout ou partie des choses identiques !

C’est quelque chose qu’on constate en général dans le logiciel libre : ne pas refaire ce qui a déjà été fait par quelqu’un, repartir de son travail, l’améliorer et le partager pour que quelqu’un d’autre à son tour l’améliore et ainsi de suite.

2 « J'aime »

oui, il faudra peut être à l’usage distinguer le géocommun “public” (type BAN avec quand même une organisation institutionnelle) et le géocommun “citoyen” (type OSM où vraiment tout le monde peut contribuer). Pour commencer j’ai l’impression qu’on ciblait les gécommuns “citoyens” ? mais c’est utile de le préciser.
En pratique aussi, il y a une différence entre un commun “donnée” et un commun “logiciel” ; pour le logiciel, tout le monde peut contribuer aux remontées de bugs (y compris pour des logiciels non libres d’ailleurs), voir à la doc, mais tout le monde n’est pas committer.

1 « J'aime »

Un collègue vient de me faire passer un article de Sébastien Shulz qui a écrit en 2021 dans la revue « Réseaux » intitulé « De l’adoption au rejet d’un commun numérique pour transformer la frontière entre état et citoyens : La trajectoire de la Base Adresse Nationale entre contribution citoyenne, autogouvernement et État-plateforme ». En introduction il rappelle (propose?) la définition d’un commun numérique: « On définit un commun numérique comme (1) une communauté de producteurs et d’utilisateurs qui gèrent (2) une ressource numérique en vue de son enrichissement dans le temps à travers (3) des règles de gouvernance conjointement élaborées et (4) dont ils protègent le libre accès face aux tentatives d’appropriation exclusive. ».

2 « J'aime »

Disclaimer : Je ne suis pas “le collègue qui vient de faire passer l’article de Sébastien Shulz”.
Pour celles et ceux que cela intéresse : l’article auquel Marie fait référence et publié dans la revue Réseaux est notamment accessible ici (derrière un pay-wall). Sinon, sa version pré-print est librement accessible (sous licence CC-BY-SA 4.0).

1 « J'aime »

ce point numéro 4 me titille depuis quelques jours maintenant et je ne peux pas m’empêcher de faire un lien avec la différence entre les licences LO et OdbL.
Dans ma représentation (qui peut bouger, qui bouge et bougera encore j’espère), la licence LO ne protège pas d’une appropriation exclusive. Un utilisateur peut récupérer les données, travailler dessus, y apporter de nombreuses améliorations et ne pas reverser, partager, faire profiter la communauté (point 1 et 2 de la “définition” du commun ci-dessus). Oui j’imagine des entreprises prédatrices (souvent nommées GAFAM par facilité).

Appropriation exclusive que le partage à l’identique de l’OdbL ne permet pas de faire car oblige la publication des données sous la même licence.

4 « J'aime »